
Dans l'œuvre de César Franck (1822 - 1890), Les Béatitudes s'inscrivent comme une sorte d'étape; plus encore, de césure. Il y a bien ce qui fut écrit avant et après cette immense fresque vocale et symphonique, composée sur plus de dix années (1869 - 1879) et qui semble se dresser comme une montagne, comme une ligne de partage dans toute la production du musicien.

Avant 1869, Franck reste, en dépit de tous ses efforts pour percer, un compositeur méconnu. Les concerts qu'a multipliés son père vers sa vingtième année n'ont point réussi à l'imposer, non plus que les œuvres écrites à cette fin: des Trios, des Fantaisies sur des airs d'opéras à la mode... Marié en 1848, cherchant sous l'influence de sa femme et de sa belle famille, à se faire un nom sur la scène, Franck vit des années de repliement sur soi. Des années obscures, difficiles surtout, où il lui faut courir le cachet (leçons particulières à un franc cinquante ou deux francs la demi-heure!); où seul l'orgue, en 1853, de Saint Jean - Saint François du Marais; en 1859, de Sainte Clotilde, lui apporte quelques joies. Rien de vraiment exceptionnel dans cette production pourtant importante et variée: deux oratorios: Ruth remarqué par Liszt en 1845 et La tour de Babel vingt ans plus tard; des Messes, dont une à trois voix devenue célèbre par la suite, grâce à l'inclusion du fameux Panis Angelicus; des mélodies, des motets. En fait, on ne retient essentiellement de lui que son côté organiste, qui lui a dicté d'ailleurs les six chefs d'œuvre opus 16 à 21 formant le recueil de 1860...

Arrive la défaite de Sedan. C'est pour la France entière un coup de gong qui la réveille de sa longue fête du Second Empire. Les artistes se ressaisissent: ainsi naît la fameuse Société Nationale de Musique (la «S.N.M.»), à la fière devise patriotique («Ars Gallica») et qui entend susciter, promouvoir, jouer de la musique française. Franck en est l'un des fondateurs, avec Bussine, Castillon, Duparc et Saint-Saëns. Viendront vite les rejoindre des compositeurs aussi différents que d'Indy, Chausson, Chabrier, Bréville et tant d'autres...
De pouvoir faire entendre ses œuvres; de se trouver entouré d'un groupe de jeunes, ses disciples du Conservatoire où, il a été nommé en 1872, et qui forment la célèbre «Bande à Franck», le musicien se trouve revigoré, plein de projets et d'audaces. Son art en effet se diversifie, s'élève, se densifie. En cette période de maturation, Les Béatitudes apparaissent bien dès lors comme le prélude aux grandes œuvres nées presque chaque année après 1879, au cours des vacances scolaires, seuls moments libres que lui laisse son enseignement: l'admirable Quintette de 1878, précédé de Rédemption (1875) et des Eolides (1876 - 1877) et bientôt suivi d'une pléiade de chefs d'œuvre qui vont de Rebecca (1881) aux trois ultimes Chorals pour orgue de 1890 en passant par Le Chasseur maudit (1882), Les Djinns ou Prélude, Choral et Fugue (1884 - 1885) les grandioses Variations Symphoniques de 1885 devançant de quelques mois la superbe Sonate pour piano et violon, Psyché, la Symphonie en ré mineur, ainsi qu'un nouveau triptyque pianistique, Prélude, Aria et Finale; enfin l'admirable Quatuor à cordes où s'exprime toute la puissance organisatrice et le lyrisme du musicien.
Il aura donc fallu deux lustres à Franck pour mener à bien ses Béatitudes. Cette longueur de temps explique peut-être, à elle seule, certaines faiblesses qu'on y peut relever et dues essentiellement au livret de Madame Colomb, incluant quelques platitudes, quelques prolixités aussi qui nous font aujourd'hui sourire mais qui en revanche reflètent bien l'esprit de leur époque; dues surtout à la construction même de l'ouvrage, chaque Béatitude offrant le même cadre. une voix ou un chœur exprime la conception profane du monde; puis le Christ répond aux impies par de saintes paroles empruntées à l'Evangile; alors en conclusion, se développe le chœur des Justes ou la voix des Anges. Effet unique, trop prévisible et répété huit fois.
Mais ce procédé rhétorique n'a pas que des inconvénients. En accentuant contrastes et antithèses, il répond finalement à une tendance profonde de Franck, exprimée dans son premier oratorio Ce qu'on entend sur la montagne écrit à vingt-quatre ans ou dans Rédemption, composé à quarante neuf, ainsi que dans maintes pages de musique pure, où deux thèmes, deux tonalités, deux rythmes fortement individualisés s'observent, dialoguent s'assaillent. Dans Les Béatitudes, l'antithèse est érigée en système. Mais comment distinguer, sur le plan purement musical, la miséricorde, la soif de justice ou le désir de paix? C'est ici qu'intervient la foi extrêmement vive et profonde de Franck qui a su trouver les accents attendus, qui s'agenouille et prie avec tout son cœur: Les Béatitudes sont bien l'expression de sa prière devenue musique. Et c'est précisément cela qui donne toute sa valeur, et toute sa grandeur, à cette vaste composition, éminemment personnelle, ardente, engagée.

Dès le début du Prologue chante aux violoncelles et bassons un thème d'admirable plastique sonore, symbole du Christ Centre du monde et Dispensateur de Charité, d'Amour, et de Consolation. C'est ce «motif cyclique» qui assumera l'unité de l'ouvrage en réapparaissant dans chacune des Béatitudes. Celles-ci reprennent et développent le fameux «Sermon sur la montagne», nous emportant par un souffle constant où viennent s'intégrer des allégories stylisées, des réflexions altières, des visions cosmiques. Moins apologétique que vraiment profonde et vivante, la partition développe ainsi une sorte d'angoisse métaphysique telle qu'a pu la vivre le compositeur et dont elle profite de sa puissance imaginative. Car si le Christ l'emporte, nécessairement, il doit se battre contre un adversaire d'envergure dont le nom est Satan. Aussi, à travers leurs dialogues, c'est bien finalement l'Humanité toute entière, l'Humanité sans âge qui parle, qui crie des profondeurs sa misère et aspire à la paix, à la justice, au bonheur. A cet égard, les Quatrième, Septième et Huitième Sermons atteignent à des accents pathétiques, d'une plénitude exceptionnelle, à des sommets qui classent d'emblée Les Béatitudes au rang des grands chefs d'œuvre trop ignorés.

Le destin voulut que Franck n'entendit jamais sa partition. La seule intégrale, mais avec un seul piano faisant office d'orchestre, eut lieu chez lui, au 95 Boulevard St. Michel à Paris, le 20 février 1879: des amis avaient organisé ce concert et y avaient invité le ministre pour faire connaître le musicien et lui faire décerner la Légion d'Honneur. Vainement... Il fallut attendre les 15, 16 et 18 juin 1891 à Dijon et le 12 mars 1893 à Paris pour enfin rendre justice à l'ouvrage dans toute sa plénitude. Hélas, à cette époque, Franck était mort, depuis le 8 novembre 1890... Quelle frustration!
Jean GALLOIS
Transcription de l'album
Prologue
Ténor solo et Chœur
Ténor:
En ce temps-là sur la terre.
Si grande était la misère,
Que pas un cœur n'espérait
Tous les hommes étaient
Ou bourreaux ou victimes;
Chargé de maux et de crimes
Le vieux monde se mourait
Quand au dessus des cris de haine et de détresse
Une voix s'éleva douce comme le miel
Et les déshérités oubliant leur tristesse
Levèrent les yeux vers le ciel.
Sur la montage sainte autour du divin Maître,
Les Anges étaient descendus
Et chantaient:
Chœur
Béni soit celui qui fait renaître
L'espoir dans les cœurs abattus.
Nr. 1
Bienheureux les pauvres d'esprit parce que le royaume des cieux est à eux!
Chœur, Baryton.
Chœur Terrestre
Poursuivons la richesse
Avec ardeur;
Jouir sans cesse c'est la sagesse
Et le bonheur!
Nous sommes de la terre
Les heureux,
Eloignons la misère
De nos yeux,
De la détresse la plainte blesse
Nos cœurs joyeux!
1. Chœur, soprano:
Au sein du plaisir
Et de la richesse
Une âpre tristesse
Remplit notre cœur;
Où donc est le bonheur?
2. Chœur, Ténors, Basses
Poursuivons la richesse
Avec ardeur, etc. (ut supra)
Voix du Christ
Heureux l'homme épris des biens véritables
Qui n'attache point son cœur
A des richesses périssables
Et dans le sein des misérables
Répand les dons qu'il reçut du Seigneur.
Au dernier jour qu'il soit sans crainte,
En vérité! Je vous le dis: heureux
L'homme à qui la charité sainte
Ouvre le royaume des cieux.
Chœur céleste
L'homme à qui la charité sainte
Ouvre le royaume des cieux.
Nr. 2
Bienheureux ceux qui sont doux parce qu'ils posséderont la terre!
Chœurs, Soli, Solo de Baryton
Chœur Terrestre
Le ciel est loin, la terre est sombre.
Nul rayon n'y luit!
Chaque espoir n'est qu'une vaine ombre
Qui s'évanouit!
Au vent changeant de ce monde
Notre cœur flotte incertain
Comme le radeau sur l'onde
Ou la poudre du chemin.
Contre ces maux l'âme indignée
Se révolte en vain,
Le destin la tient inclinée
Sous sa dure main
Pauvres humains qu'enflamme
Le désir du bonheur!
Enveloppez votre âme
D'une sainte douceur!
Car la douleur rompt la colère,
Seule elle apaise le courroux;
Seule elle peut rendre légère
La chaîne que vous portez tous.
Voix du Christ
Heureux ceux qui sont doux
Car ils posséderont la terre!
Nr. 3
Bienheureux ceux qui pleurent parce qu'ils seront consolés.
Chœurs, Soli, Solo de Baryton
Chœur Terrestre
Reine implacable,
Ô douleur!
Ta main redoutable
Brise notre cœur!
Tu veilles, invisible,
Près de notre berceau,
Tu nous suis, inflexible,
Jusqu'au tombeau.
Une mère
Ô mort cruelle! ô mort avide!
Laisse-moi sur ce berceau vide,
Laisse-moi pleurer et mourir!
Un orphelin
Pauvre petit enfant sans mère,
Nul n'a pitié de ma misère:
Ah! pour moi vivre c'est souffrir!
L'épouse
Compagnon de ma destinée,
Ô toi que j'aimais,
Avant la fin de la journée
Je te perds pour jamais!
Une mère
Enfant que j'aimais,
Adieu pour jamais!
L'orphelin
Mère que j'aimais,
Adieu pour jamais!
L'épouse, l'époux
Ô toi que j'aimais,
Adieu pour jamais!
Chœur
Reine implacable,
Ô douleur!
Ta main redoutable
Brise notre cœur!
Esclaves
A l'esclave misérable
Qui rendra la liberté?
Penseurs
Aux âmes que le doute accable
Révèle-toi vérité!
Esclaves
En vain vers toi, Patrie,
L'exilé tend les bras!
Voix du Christ
Heureux ceux qui pleurent
Car ils seront consolés,
Chœur céleste (oui)
Heureux ceux qui pleurent
Car ils seront consolés.
Le ciel s'ouvre à ceux qui meurent,
Le ciel rend aux exilés
La douce patrie.
Il rend à l'orphelin sa mère chérie,
A l'esclave la liberté!
Là, rayonne la vérité,
Là, des souffrances de !a terre
Dieu fera pour ses élus
Des couronnes de lumière,
Et la douleur ne sera plus.
Oui, heureux ceux qui pleurent
Car ils seront consolés !
Nr. 4
Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice parce qu'ils seront consolés.
Soli de Ténor et de Baryton.
Ténor solo
Puisque partout où nous entraîne
Un sort fatal,
Dans la vie et dans l'âme humaine
Règne le mal;
Que le cœur, quand il prend des ailes
Pour s'envoler,
Sent en lui mille instincts rebelles
Se révéler;
Et puisque pourtant, puisque notre âme,
Crie et se plaint
Un saint désir, dernière flamme
Que rien n'éteint;
Idéal! Sainteté! Justice!
Dévoile-toi!
Nous t'implorons! Viens car le vice
Du monde est roi!
Ah! viens! et que ta pure lumière,
Ô vérité!
A jamais chasse de la terre
L'obscurité!
Voix du Christ
Heureux les cœurs altérés de justice!
Au ciel, au ciel leur soif s'apaisera!
Heureux les cœurs épris de sacrifice!
Tout ce qu'ils ont donné, le ciel le leur rendra!
Nr. 5
Heureux les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront eux-mêmes miséricorde.
Solo de Ténor, Chœurs, Soli de Baryton et de Soprano.
Ténor solo
Comme le blé sur l'aire,
Battu par les fléaux,
Les faibles sur la terre
Sont accablés de maux.
Sans recours, sans défense
Contre les oppresseurs,
Quels rêves de vengeance
S'agitent dans leurs cœurs!
Leur âme révoltée
S'emplit de fiel,
El leur plainte irritée
Crie au Maître du ciel:
Chœur terrestre
Lève-toi, puissant Roi,
Contre le vice et l'injustice,
Nous périssons sous leurs coups:
Frappe-les, et venge-nous!
Des méchants punis l'insolence,
Et suspends sur leur arrogance
Un terrible lendemain!
Prends notre cause dans ta main!
Ténors
Si Dieu, sourd à notre prière,
Ne punit pas nos ennemis,
Par notre extrême misère
Que nos bras soient raffermis!
Les bras qu'arme la vengeance
Frappent sans faiblir!
Tremblez, oppresseurs! A nous la puissance!
Tremblez, oppresseurs! A vous de gémir!
Ô volupté triomphante!
Voir sur l'arène sanglante
Son ennemi terrassé!
Faire payer avec usure
Chaque affront, chaque blessure,
Chaque larme du passé!
Si Dieu, sourd, etc. (ut supra)
Voix du Christ
«C'est à moi seul qu'appartient la vengeance»,
A dit le Seigneur.
Il saura prendre un jour votre défense
Contre l'oppresseur.
Vous, fils d'Adam, pardonnez à vos frères,
La haine impie accroîtrait vos misères.
En vérité, je vous le dis, heureux
Les miséricordieux!
Chœur céleste
A jamais heureux
Les miséricordieux!
Pardonnez pour qu'on vous pardonne,
Pardonnez, c'est Dieu qui l'ordonne!
L’Ange du pardon
Abjurez la haine
Et l'inimitié;
Que votre âme apprenne
La sainte pitié.
Et quand le Tout-Puissant viendra juge sévère.
Punir les crimes de la terre,
Humble, mais confiant vous lui direz: Seigneur,
Grâce pour le pécheur!
Par ma vie entière
Je suis condamné,
Mais pourtant riant j'espère
Car j'ai pardonné!
Et Dieu désarmant sa colère
Exaucera votre prière.
Chœur terrestre
A jamais heureux, etc. (ut supra)
Nr. 6
Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu.
Double chœur de Femmes, Quatuor d'Hommes, Solo de Baryton.
Femmes païennes
Les dieux qui parlaient à nos pères
Ne se montrent plus,
Sacrifices, dons et prières
Sont superflus!
Ô dieux absents, tout vous implore!
Comme autrefois
A la terre venez encore
Dicter vos lois!
Femmes juives
Ô Toi qui visitais nos pères,
Dieu d'Israël,
Cède, cède à nos ardentes prières
Rouvre ton ciel.
Montre-toi, ton peuple t'implore,
Comme autrefois
Daigne nous faire entendre encore
Ta grande voix!
Les Pharisiens
Seigneur, à ta loi fidèle
Et de ton nom ferme soutien,
Aux pauvres j'ai donné la dîme de mon bien.
Pour la justice enflammé d'un saint zèle,
J'ai foulé les méchants
Sous mes pieds triomphants.
De blasphèmes ma bouche est pure,
Jamais le meurtre et le parjure
N'ont souillé mon cœur
Du mal je suis resté vainqueur!
De toi, Dieu d'Abraham,
J'attends ma récompense,
Oui j'attends avec confiance
Que dans le sein de l'Eternel
La mort me réunisse aux justes d'Israël.
L'Ange de la Mort
Je suis le moissonneur des âmes,
L'ange de la mort
Ouvrez-vous, ô portes de flammes
Du céleste port!
Mais qui de vous fils de la terre,
Mais qui de vous pourra sans effroi
Voir dans l'éternelle lumière.
Le souverain Roi!
Chœur céleste
De l'enfant la sainte ignorance
Est agréable au Tout-Puissant;
Si votre cœur est innocent,
Approchez avec confiance:
Pour vous s'ouvrira le saint lieu!
Voix du Christ
Heureux les cœurs purs,
Car ils verront Dieu!
Ténors, Soprano
Lavez dans une humble prière
Les souillures de votre cœur.
Nul n'est pur devant le Seigneur,
Ni l’orgueil, ni la haine altière
N'entreront jamais au saint lieu
Voix du Christ
Heureux les cœurs purs,
Car ils verront Dieu!
Chœur
Purifiés par sa clémence,
Ô mes frères, venez à nous,
Le ciel s'ouvre, revêtez-vous
De la robe de l'innocence,
A jamais régnez au saint lieu!
Venez vous mêler aux saintes phalanges,
Venez à nos chants joindre vos louanges.
Venez à jamais,
Venez régner au saint lieu.
Heureux les cœurs purs,
Car ils verront Dieu.
Nr. 7
Bienheureux les pacifiques parce qu'ils seront appelés enfants de Dieu
Solo de Basse, Chœurs, Solo de Baryton, Quintetto.
Satan
C'est moi, l'esprit du mal
Qui suis roi de la terre!
Mon souffle fatal
Partout répand la guerre;
Vous tous qui vivez sous mes lois,
Répondez à ma voix!
Vous que l'injustice guide
Par un ténébreux chemin,
Vous dont la main fratricide
Est rouge de sang humain,
Âmes que la haine ronge,
Cœurs souillés par le mensonge,
Ennemis de la paix,
Enfants du mal, c'est moi
Qui suis votre Roi!
Les Tyrans
Tyrans redoutés, nous sommes les maîtres,
Foulons sous nos pieds les peuples tremblants
Prêtres païens
Des dieux mensongers nous sommes les prêtres,
Couvrez de vos dons leurs autels sanglants!
La Foule
Renversons les lois, la justice,
Que tout nous obéisse!
Nous sommes forte à notre tour,
Arrière la clémence!
II se lève enfin notre jour,
Le jour de la vengeance,
Ennemis furieux,
Disputez vous la terre,
Gloire aux victorieux!
Haine, vengeance et guerre,
Que le bruit de l'orgie
Couvre les cris de mort!
Le seul droit dans la vie
C'est le droit du plus fort!
Riez des vertus stoïques,
Bienheureux sont les puissants!
Voix du Christ
Bienheureux les pacifiques,
Ils seront du Seigneur appelés les enfants.
Satan
Cette voix, implacable
Dans sa douceur
Me pénètre et m'accable
De terreur.
Je dois la reconnaître,
Moi, l'Archange maudit,
Car c'est la voix du Maître
Qui du ciel m'a proscrit!
Quintetto. Les Pacifiques
Il n'est rien de fort que ce qui demeure!
Le mal passe et fuit!
Satan fait en vain son œuvre! Chaque heure
L'use et la détruit
Mais du bien que sème une main obscure
Rien n'est emporté.
II croît ici-bas, s'affermit et dure
Pour l'éternité.
Sans violence et sans faiblesse,
Que notre labeur
Fasse sur la terre en détresse
L'œuvre du Seigneur,
L'œuvre de paix, l'œuvre bénie
Par qui doit un jour
Sur la terre rajeunie
A la guerre meurtrière
Opposons la charité,
A l'impie tyrannie
La sainte fraternité!
Aux peuples rendons la lumière,
A l'ignorance, à la misère
De nos mains creusons un tombeau!
Sans violence et sans faiblesse
Que notre labeur
Fasse sur la terre en détresse
L'œuvre du Seigneur
Par qui doit un jour
Triompher l'amour!
Triompher l'amour.
Nr. 8
Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parceque le royaume des cieux est à eux.
Solo de Basse, Chœur, Solo de Mezzo-soprano,
Solo de Baryton.
Satan
A ma défaite
Mon pouvoir a survécu!
Je relève la tête,
Non! Je ne suis pas vaincu:
Christ! regarde à travers les âges,
L'avenir, comme le passé,
N'offre qu'injustice, carnages,
Haines, parjures, sang versé!
Vois la vertu méprisée,
De pleurs la terre arrosée;
Vois les crimes triomphants,
Vois les bons dans l'épouvante.
Vois, et si tu l'oses, vante
Le bonheur de tes enfants!
Chœur des Justes
Ô justice éternelle,
Toi pour qui nous souffrons,
Notre âme t'est fidèle,
Au milieu des affronts.
Du mal qu'importe la puissance?
Nous voyons la mort sans effroi.
Toi seule est notre récompense.
II est doux de mourir pour toi!
Satan
Insensés! votre délire
Me fait pitié!
Oui, rêvez la volupté
Du martyre.
Je saurai dans les tourments
Plier votre âme rebelle,
Car c'est moi que l'on appelle
Le Roi des épouvantements.
Chœur des Justes
Ô justice éternelle, etc. (ut supra)
Satan
Vils esclaves, vers de terre,
Du fond de votre poussière,
Quoi! vous bravez ma fureur!
Espérez-vous, vain rêve,
Que de vos rangs s'élève
Un vengeur?
Chœur des Justes
Ô justice, etc. (ut supra)
Mater Dolorosa
Moi du Sauveur je suis la Mère;
Sept glaives ont percé mon cœur!
Les douleurs de la terre entière
S'effacent devant ma douleur.
Je vois marcher vers le Calvaire
Le Fils que mon sein a porté;
Il va, Victime volontaire,
Chargé de toute iniquité.
Je le vois, l'innocent, le juste,
Flagellé comme un criminel,
Je vois ployer son front auguste
Sous le courroux de l'Eternel.
Avec lui je bois le calice,
Je soumets mon cœur révolté,
J'offre mon fils en sacrifice
Au salut de l'humanité.
Satan
Quelle est donc cette femme? et pourquoi
Jette-t-elle en mon âme tant d'effroi?
Est-ce là la Fille d'Eve
Qui doit briser mon glaive
A la vaincre impuissant...
Et venger sa défaite
En écrasant ma tête
Sous son pied triomphant?
Voix du Christ
Justes que mon Père envoie
Parmi les pervers,
Conservez une sainte joie
Au milieu des revers.
Soyez heureux quand au supplice
Vous êtes jetés.
Heureux ceux qui, pour la justice,
Sont persécutés!
Le ciel souffre violence,
Bénis soient les vaillants, les forts;
Le ciel sera la récompense
De leurs saints efforts!
Satan
Par Toi je suis vaincu,
Mon règne a vécu!
Voix du Christ
Venez les bénis de mon Père,
Venez, venez à moi,
Vous avez sur la terre,
Vous avez suivi ma loi.
Venez, de la gloire éternelle
Ma Croix vous ouvre le chemin,
Le chœur céleste vous appelle,
Les Anges vous tendent la main!
Venez les bénis, etc. (ut supra)
Chœur céleste
Hosanna! Paix sur la terre
Aux cœurs de bonne volonté!
Hosanna! Louange au Père,
Louange dans l'éternité!
A vous la céleste gloire!
Des palmes de la victoire
Dieu vous couronne!
Hosanna! Hosanna!